Il est 8h. Vous quittez l’air vif du petit matin pour vous enfoncer dans les voies souterraines des transports en commun. Des effluves écoeurants de viennoiserie industrielle envahissent alors vos narines et vous soulèvent l’estomac.
Tout au long de la journée, les odeurs provoquent plaisir ou dégoût, influant souvent inconsciemment sur nos comportements et nos préférences, qu’elles soient alimentaires, amicales ou sexuelles. À 17h, il est possible que le même parfum de croissant chaud titille vos papilles et aiguise votre appétit.
Et le nez a ses raisons que la raison ignore : la note de clou de girofle évoque de délicieux souvenirs de Noël pour l’un, d’affreux moments dans le fauteuil du dentiste pour l’autre.
Vous l’avez compris : cet article s’intéresse aux liens étroits qui unissent olfaction et émotion
Dans le cerveau
Il existe deux relais cellulaires entre l’environnement extérieur et les centres supérieurs du cerveau. C’est peu.
Lorsque nous sentons une odeur, le cerveau se pose trois questions, dans cet ordre :
1. Y a-t-il une odeur ?
2. Est-elle plaisante ou désagréable ?
3. De quoi s’agit-il ?
Ce qui est remarquable ? Nous sommes capables d’affirmer qu’un parfum est bon ou mauvais (ce qu’on appelle sa valeur hédonique), avant même de pouvoir le nommer.
Comment expliquer cette organisation cérébrale ? Même si nous avons tendance à l’oublier, notre odorat joue un rôle de vigie. Il nous avertit de nombreux dangers, un gaz toxique ou une denrée passée. Pendant longtemps, il n’y avait pas de date de péremption sur notre nourriture …
Les signaux olfactifs sont donc à même d’entraîner une réponse rapide. En
comparaison, tous les autres sens établissent au moins 4 ou 5 relais avant
d’atteindre le cortex et ils passent par un centre de tri, le thalamus. Il leur faut encore au minimum deux autres cellules pour déterminer si un objet est agréable ou pas. Lorsque l’on vous tend une tasse ou un stylo, vous identifiez d’abord l’objet avant de vous demander s’il est joli à regarder. Le chemin est donc plus long avant de répondre à un danger visuel.
Olfaction & émotion, les liaisons précieuses

L’amygdale, située dans les lobes temporaux, est impliquée à la fois dans le traitement des odeurs et des émotions. Cette région cérébrale participe à la construction d’une mémoire olfactive qui intègre la valeur hédonique des odeurs mais aussi les autres perceptions sensorielles et le contexte.
Ce fonctionnement explique pourquoi une note olfactive associée à une émotion particulièrement intense rend la mémoire plus facile à être remobilisée. On se souvient par exemple davantage d’une bouteille débouchée pour une grande occasion que du p’tit rouge qui accompagnait le dernier rôti dominical.
Le conseil : mettez-y du coeur
Ne vous contentez pas de décrire les notes aromatiques qui s’échappent du produit dégusté. Multipliez les registres, employez un vocabulaire riche et varié et adjoignez-y vos émotions. Cette touche à la fois fruitée et florale si difficile à identifier, vous rappelle-t-elle des souvenirs ? L’associez-vous à un lieu ? Une personne ? Est-elle comestible ? Plutôt sucrée ou salée ? Ne serait-ce pas la violette qui parfumait les bonbons de votre grand-mère ? En réalisant cet exercice, il est à parier que vous parviendrez à la nommer bien plus rapidement la prochaine fois que vous la croisez…
